L’omniprésence de la « gratuité » ravit en même temps qu’elle fait peur, aux entreprises, tout d’abord, parce que sur Internet, généralement, « on ne fait pas (ou pas beaucoup) d’argent », à quelques exceptions près, et aux particuliers, ensuite, parce qu’il y aurait un prix caché à payer, celui de la perte de l’anonymat et de l’intrusion dans la vie privée. Il est vrai qu’Internet a mis en avant la gratuité comme méthode pour capturer des clients. Mais Internet a aussi dévoilé des capacités de communication et de production collective de savoirs de qualité, révélant ainsi la grande propension des êtres humains à coopérer. Affiché à un tel niveau, cet esprit collaboratif est un peu une surprise dans le contexte actuel d’individualisation croissante des trajectoires sociales.
Les internautes ont accès gratuitement à de très nombreux services et applications : moteurs de recherche, réseaux sociaux, comparateurs de prix, jeux, musique, vidéos, forums, sites d’information… Souvent, ils ne comprennent pas pourquoi il faut payer pour accéder à un service du Net : le paiement devient l’exception et une véritable « culture de la gratuité » semble dominer. Ces mêmes internautes participent aussi volontairement, gratuitement, à la production de services et d’applications : encyclopédie Wikipédia, blogs, avis et recommandations de livres, de films ou de restaurants… Sur des plateformes comme YouTube, ou dans des communautés Peer-toPeer, des centaines de millions de vidéos et de morceaux de musique sont partagés et échangés tous les jours (légalement et illégalement) sans véritable contrepartie monétaire. Pourtant, il est un vieil adage (largement repris par les économistes et popularisé notamment par Milton Friedman) qui dit : « There ain’t no such thing as a free lunch »