LE MOIS DU GÉNIE. Les enjeux liés à l’environnement sont toujours plus importants pour les ingénieurs. En conséquence, les universités adaptent leurs programmes et offrent de nouvelles formations visant à répondre aux besoins actuels.
Polytechnique Montréal, par exemple, lançait à l’automne dernier un cours en ligne gratuit sur l’ingénierie durable. Développé en collaboration avec Ingénieurs Canada, l’organisation qui chapeaute les ordres des ingénieurs de tout le pays, ce cours vise à présenter les dix directives qui se trouvent au Guide national sur le développement durable et la gérance environnementale à l’intention des ingénieurs.
Cette formation est la deuxième en son genre à être offerte par Polytechnique Montréal, explique M. Cigana, conseiller principal en développement durable à Polytechnique Montréal et gestionnaire de projet pour le cours. La première, nommée L’ingénieur, source de solutions durables, avait été offerte en 2016.
En quoi consiste le nouveau cours ? Il s’agit d’une formation de quatre modules visant à présenter des notions de développement durable et de gérance environnementale au moyen notamment d’études de cas et de commentaires par des experts de l’Université ou d’Ingénieurs Canada. La formation se donne à raison d’un module par semaine durant quatre semaines. Au total, le cours demande environ huit heures de travail.
Offert dans les deux langues, le cours est également sans frais. Une attestation de réussite peut cependant être obtenue pour 50 $ et permet aux ingénieurs d’accumuler des heures de formation continue.
Le cours a été plutôt populaire : le nombre d’inscriptions a atteint 1 554, dont 881 pour le cours en français, et 257 personnes ont payé pour obtenir l’attestation. La formation précédente n’avait attiré qu’un peu moins de 1 000 étudiants. L’Université offrira le cours à nouveau à la fin mars.
Cette popularité du cours témoigne entre autres de l’importance croissante des enjeux environnementaux et sociaux dans le travail – et la formation – des ingénieurs. À Polytechnique Montréal, par exemple, 21,9 % des cours offerts au baccalauréat et aux cycles supérieurs abordent aujourd’hui le développement durable.
« Les freins principaux à la mise en oeuvre de grands projets d’ingénierie ne sont aujourd’hui plus d’ordre technologique, mais d’acceptabilité sociale, explique M. Cigana. Notre but est donc de confronter les étudiants aux notions de développement durable. »
Adapter les cours
Le Bureau canadien d’agrément des programmes de génie (BCAPG) est l’organisation qui a pour mandat d’agréer les programmes universitaires de premier cycle en génie.
Parmi les 12 qualités requises par le BCAPG pour agréer une formation, un programme doit entre autres former des étudiants capables d’analyser les « aspects sociaux et environnementaux des activités liées au génie » et de comprendre les « concepts de développement durable et de bonne gérance de l’environnement ».
Il existe donc des balises institutionnelles qui favorisent l’enseignement de ces notions. Mais au-delà de celles-ci, les pressions se font toujours plus grandes pour intégrer les notions de développement durable et de gérance environnementale aux formations. Sauf que de simplement créer des cours sur le sujet n’est plus suffisant.
« La littérature scientifique le rapporte et on s’en rend compte : quand on offre des cours distincts sur le développement durable, l’information n’est pas contextualisée. L’étudiant ne sait donc pas, par la suite, comment intégrer ce savoir dans sa pratique professionnelle », explique Ben Amor, professeur à l’Université de Sherbrooke, également responsable du développement durable à la Faculté de génie. Pour répondre à cette difficulté, l’Université de Sherbrooke vise donc de plus en plus à intégrer ces notions à l’ensemble de ses cours. En génie informatique, la question de l’impact environnemental des serveurs de données est abordée durant les cours, et les étudiants sont amenés à modéliser l’impact d’un serveur.
« Ça aide les étudiants à comprendre que leur travail n’est pas seulement de concevoir des circuits intégrés, dit M. Amor. Ils comprennent pourquoi on leur présente un outil d’analyse et comment ils pourraient s’en servir dans leur profession. »
Un avenir vert
Les problèmes environnementaux sont de plus en plus discutés dans les médias. De même, ces questions sont abordées plus que jamais dans les écoles primaires et secondaires ainsi que dans les cégeps.
« La situation est telle qu’aujourd’hui, quand les étudiants arrivent à l’université, ils savent déjà ce que c’est que le développement durable, ou une analyse de cycle de vie », dit M. Amor. Les universités, qui passaient auparavant beaucoup de temps à présenter ces notions, peuvent aujourd’hui laisser de côté ces cours d’introduction et bonifier leurs formations.
Selon M. Amor, les programmes de génie évolueront donc beaucoup d’ici les cinq prochaines années. À son avis, le contenu offert deviendra nettement plus technique et spécialisé. « De plus en plus, les étudiants arrivent en classe et connaissent déjà les problèmes, dit-il. On n’a donc plus besoin de passer de temps là-dessus, et on peut leur montrer comment les aborder. »