Le diplôme papier a vécu. Le ministère de l’Éducation nationale s’apprête à lui adosser un coffre-fort électronique capable de livrer en quelques clics des attestations de diplômes à leurs titulaires.
Exit donc les démarches à rallonge pour obtenir un duplicata en cas de perte ou de vol. Il sera bientôt possible, via une procédure sécurisée, de télécharger des documents numériques certifiés, mais aussi d’adresser à un employeur un lien prouvant l’authenticité de son titre.
“La lutte contre la falsification des diplômes est un sujet transversal qui intéresse toutes les universités et écoles d’ingénieurs, analyse Vincent Beillevaire, délégué-général de la fondation Unit (Université numérique ingénierie et technologie), qui fédère 40 établissements. Ce type de fraude est d’ailleurs devenu un sport national en Chine.”
Si on en croit le bandeau “Ouverture premier semestre 2019” s’affichant sur la plate-forme diplome.gouv.fr, le démarrage de ce téléservice est imminent.
Le ministère l’a d’ailleurs confirmé le 1er janvier dernier en réponse à la question d’un parlementaire : “Son ouverture est prévue pour le printemps 2019 sur le périmètre du diplôme national du brevet jusqu’au baccalauréat, ainsi que du BTS et des diplômes comptables du supérieur, avec une antériorité pouvant aller jusqu’à 1997 selon les académies.”
Deux ans de réflexion
Il aura tout de même fallu patienter un peu plus de deux ans et une élection présidentielle pour que le service voit le jour.
La plateforme avait été promise pour le 1er janvier 2017 par le ministère de l’Éducation nationale. L’enjeu, pallier aux 80.000 demandes d’attestation de diplôme déposées chaque année, selon ses chiffres.
Diplome.gouv.fr contribuera à asseoir la valeur de nos diplômes et à faciliter les démarches des recruteurs.
(P. Boulet)
Mais ce n’est que le 23 mai 2018 que l’arrêté autorisant la Rue de Grenelle à mettre en œuvre ce traitement automatisé de données à caractère personnel a été publié et que les prémices de sa concrétisation se sont fait jour.
Presque neuf mois après, le service d’attestation numérique des diplômes est prêt de fonctionner. Il faudra toutefois patienter encore un peu pour qu’il s’ouvre aux diplômes reconnus par l’État des ministères de l’Enseignement supérieur et de l’Agriculture.
Un service attendu
La présidente de la Fage (Fédération des associations générales étudiantes), Orlane François, se réjouit de cette ouverture prochaine. “Le diplôme papier s’avère un peu dépassé. Un service numérique sera plus rapide et plus efficace, même si une certaine vigilance s’impose concernant ses modalités d’accès”, déclare-t-elle.
Hervé Christofol, secrétaire général du Snesup-FSU, salue, lui, une initiative susceptible d’alléger la charge des établissements : “Fournir des attestations pour des diplômes affichant une antériorité supérieure à dix ans implique un lourd travail d’archivage documentaire.”
Pour autant, le responsable syndical soulève plusieurs interrogations : “Jusqu’à quel niveau de détail ira-t-on ? Le service intégrera-t-il les annexes descriptives au diplôme ? Ne devrait-il pas prendre en compte les diplômes d’université de type Bachelor qui se multiplient ?”
Vice-président de la transformation numérique à l’Université de Lille, Pierre Boulet considère cette initiative d’un point de vue européen. “Diplome.gouv.fr va contribuer à asseoir la valeur de nos diplômes et à faciliter les démarches des recruteurs. La plate-forme peut également contribuer à la mobilité de nos étudiants, si ce type de service est ensuite élargi à l’échelon européen”, applaudit-il.
Expérimentation dans les universités du Grand-Est
Sur le plan technique, la difficulté ne serait pas insurmontable, souligne le vice-président de l’université nordiste : “L’importation des données numériques des universités ne représente pas une difficulté majeure : les systèmes informatiques de nos établissements reposent sur des briques de base qui sont généralement mutualisées.”
Le chantier a d’ailleurs déjà démarré. Depuis novembre 2018, les universités de Lorraine et de Strasbourg planchent sur le sujet dans le cadre de l’appel à projet Dune (Développement d’universités numériques expérimentales). “Une action de notre programme explore notamment la dématérialisation des diplômes du supérieur”, pointe Brigitte Nominé, vice-présidente chargée de la stratégie numérique de l’Université de Lorraine.
Cette dernière teste ainsi la “blockchain”. Cette technologie éprouvée notamment dans les monnaies virtuelles, intéresse de plus en plus les acteurs publics. Elle permet de créer de grands registres virtuels où des communautés enregistrent de manière infalsifiable leurs données, sans recours à une autorité centrale de contrôle.
Les sept établissements partenaires à l’échelle du Grand-Est réfléchissent également à la création d’un compte numérique de formation à l’université. Il rassemblerait des données sur les parcours de formation, les compétences capitalisées, les perspectives d’insertion, etc.
La modélisation des échanges d’informations (diplômes, compétences acquises, réalisations personnelles, etc.) faciliterait leur réutilisation par d’autres dispositifs. “Nous souhaitons collaborer avec la direction du numérique pour l’éducation, qui porte diplome.gouv.fr au niveau ministériel. Nous pourrions servir de site pilote à l’échelle de la Région Grand-Est pour préparer l’ouverture de cette plate-forme à l’enseignement supérieur”, propose la vice-présidente de l’Université de Lorraine.
25 millions de diplômes à conserver
La question est de savoir si ce service garantira une confidentialité totale. La problématique de la sécurisation des données a été souligné par la CNIL (Commission nationale informatique et libertés) dans sa délibération.
Pour permettre de gérer les nombreux mots de passe nécessaires à son utilisation, diplome.gouv.fr devrait être accessible grâce à un identifiant unique FranceConnect Education. Seule la personne titulaire du compte pourra accéder aux données la concernant. Elle pourra, cependant, prouver la véracité d’un diplôme à un tiers en lui fournissant un lien d’accès.
L’arrêté du 23 mai 2018 précise, par ailleurs, que les données à caractère personnels des utilisateurs seront conservées jusqu’à cinquante ans. Une demande d’accord à la conservation des données sera adressée une fois par an à l’usager.
À terme, selon les chiffres avancés en 2016 par le ministère de l’Éducation nationale, 25 millions de diplômes devraient être accessibles sur la plate-forme.