A l’automne 2011, quelques professeurs de Stanford mettent gratuitement en ligne des vidéos de trois cours : introductions à l’intelligence artificielle, au « machine learning » et aux logiciels de bases de données.
Avec plus de 100.000 inscriptions pour chaque classe, le succès de l’initiative prend la communauté éducative par surprise. Les universités se ruent alors vers ce nouveau médium : dans les deux années qui suivent, plus de 900 cours sont mis en ligne par 150 institutions sur des plates-formes ouvertes à tous. Parmi elles, Coursera et Udacity, créées par deux des professeurs de Stanford ayant participé au projet initial.
Les deux entreprises déclarent alors vouloir bouleverser le paysage éducatif en démocratisant l’accès au savoir. Sebastian Thrun, le patron d’Udacity, va même jusqu’à prédire que seules dix institutions d’éducation supérieure existeront encore dans dix ans, parmi lesquelles Coursera.
Sept ans plus tard, le bilan des MOOC n’est pas aussi révolutionnaire qu’annoncé . Ces cours en ligne ouverts à tous n’ont pas engendré une scolarisation massive de publics défavorisés ni remplacé les universités. Une étude de l’université de Pennsylvanie réalisée auprès de 1 million d’utilisateurs de Coursera, publiée en décembre 2013, a jeté un grand froid : seuls 4 % des utilisateurs finissaient le visionnage de l’ensemble des leçons. Difficile de se motiver seul derrière son écran… et de s’assurer de la fiabilité de la notation, effectuée entre pairs.
Offres payantes
A la recherche d’un plan d’affaires rentable, les start-up du secteur se sont peu à peu orientées vers des offres payantes avec plus d’accompagnement à la clef. Udacity a été la première à arrêter de fournir des certificats gratuits en mai 2014, une décision imitée par Coursera six mois plus tard. Dernière des cinq grandes plates-formes à passer au « freemium », edX, le numéro deux du secteur, a retiré le mot « gratuit » de sa page d’accueil en mai.
Les certificats, même payants, étant peu reconnus, Udacity et Coursera se sont également lancés dans la création de « micro-diplômes » avec un certain nombre de crédits à la clef, pouvant être utilisés pour entrer à l’université ou obtenir un emploi. Ils ont également concentré leur catalogue sur les matières les plus facilement monétisables : la technologie et le commerce. Et se sont lancés dans le B to B en proposant des offres de formation continue aux entreprises.
Public différent
Les hébergeurs de contenus ont également fait évoluer leur relation avec les universités. Objectif : arrêter d’être perçus comme une menace risquant de vider leurs campus pour devenir un partenaire leur permettant de toucher un public différent.
Udacity, le numéro trois du marché avec 10 millions d’inscrits, a été pionnier en lançant en 2013 un équivalent numérique du master d’informatique de Georgia Tech. « Le profil des personnes candidatant en ligne est tellement différent de celui des postulants sur le campus qu’il n’y a quasiment pas de chevauchement », indique Joshua Goodman, professeur de politique publique à Harvard et coauteur d’un rapport évaluant le succès de ce programme entre 2014 et 2016. « Le profil typique pour le master en ligne est un Américain de 34 ans en milieu de carrière. Pour celui en personne, c’est un récent diplômé indien de 24 ans », indique-t-il.
Un succès qui fait que de plus en plus d’universités s’associent avec ces plates-formes pour proposer leurs diplômes en ligne. Leur nombre est passé de 15 en 2017 à 47 aujourd’hui sur les cinq premières plates-formes, indique Dhawal Shah, le PDG de Class Central, un moteur de recherche de MOOC. « En passant par eux, les universités ont accès à une base d’utilisateurs bien plus large que sur leur propre site, ce qui leur permet de diminuer drastiquement les coûts d’acquisition », explique-t-il.
Le succès de ce nouveau créneau repose sur des prix moins élevés qu’un diplôme exigeant une présence physique. Le master d’informatique de Georgia Tech sur Udacity a ainsi permis d’attirer plus de 6.000 étudiants grâce à un prix en ligne de 7.000 dollars. Mais l’exploit n’a pas été reproduit depuis, la majorité des autres diplômes s’étalant entre 15.000 et 30.000 dollars.
Difficile de descendre en dessous car les coûts ne sont pas si différents d’un master sur un campus, ces diplômes numériques reposant sur des TD en petits groupes via visioconférence, des évaluations par des professeurs, etc. Résultat : l’ensemble des autres diplômes n’a attiré que 3.000 étudiants jusqu’ici. Les plates-formes de MOOC ont encore du travail pour trouver le bon modèle.