Implantée en France depuis moins d’un an, l’entreprise néerlandaise StuDocu propose déjà 60 000 documents universitaires. Au grand dam de certains enseignants.
Les profs de fac apprennent à le haïr. Les étudiants l’adoptent petit à petit. Lancé il y a moins d’un an en France, StuDocu propose des cours, des résumés de travaux dirigés (TD) ou de simples prises de notes sur Internet. En échange, les étudiants sont payés ou obtiennent un accès gratuit à l’intégralité des contenus. Le concept fait de plus en plus parler dans les amphis.
Quel est le principe ?
Créée en mai, la version hexagonale de ce site fondé aux Pays-Bas fonctionne sur le même modèle que ses déclinaisons américaine, belge, italienne ou espagnole. Les étudiants sont incités à mettre leurs cours ou prises de notes en ligne. « Des personnes sont chargées de valider l’intérêt pédagogique, mais aussi de vérifier que ce ne sont pas des documents volés à un enseignant, explique Marnix Broer, l’un des fondateurs de la plateforme. On se sert aussi de l’intelligence artificielle. »
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En France, plus de 60 000 cours sont déjà disponibles. Une paille toutefois rapportée aux deux millions revendiqués par StuDocu dans le monde. On y trouve des extraits de TD de droit, des leçons de médecine en passant par des pages d’explications de principes d’économie. 80 % sont gratuits. Pour les télécharger ou avoir accès aux 20 % restants, il faut en revanche devenir membre premium.
Qui paie quoi ?
Dans un premier temps (deux mois en France), StuDocu paie pour enrichir son offre. « Selon la qualité, ça va de 1 à 10 euros par document », décrit Marnix Broer. Etudiante en droit, Pauline* a revendu une partie de ses notes l’an dernier. « Ça m’a permis de gagner près de 150 euros », affirme la jeune femme de 22 ans.
Ensuite, pour devenir membre premium, l’étudiant a deux options : mettre en ligne un cours et obtenir deux semaines d’accès gratuit ou sortir sa carte bleue et s’acquitter d’un abonnement mensuel de 2,99 ou 3,99 euros, selon la formule.
« Faire payer les étudiants, on s’y refuse, lance Arsène Lemaire, fondateur de Monamphi, un site qui propose aussi des cours en ligne mais entièrement gratuitement. On considère que l’accès à la connaissance doit être gratuit. »
Est-ce légal ?
Dans les amphis et sur les réseaux sociaux, les enseignants mettent en garde leurs étudiants. Professeur de droit à l’université de Lille (Nord), Stéphanie Damarey a eu la désagréable surprise de retrouver des feuilles rédigées de sa main sur StuDocu. « Ils les ont retirées à ma demande, explique-t-elle. J’ai aussi interpellé l’étudiant fautif sur les réseaux sociaux et il s’est excusé. Je ne trouve pas cela normal que l’on fasse de l’argent à partir de mon travail et de faire payer des étudiants pour des documents que je propose gratuitement. »
« Mettre en ligne les cours de profs pour en tirer profit, c’est de la contrefaçon, explique l’universitaire lyonnais Edouard Trepppoz, spécialiste de la propriété intellectuelle. Même une prise de notes, si elle reprend le plan créé par l’enseignant et donc l’originalité de sa création, est considérée comme telle. » Les fautifs s’exposent à trois ans de prison et 300 000 euros d’amende. Des peines théoriques. « Elles n’atteindront jamais ce niveau-là, souligne Edouard Treppoz. Et il faudrait aussi que des profs attaquent en justice… »
Du côté du StuDocu, on regarde l’agitation des universitaires avec détachement. « Ça montre que les gens s’intéressent à ce que l’on fait. Ils doivent se rendre compte qu’on vit au XXIe siècle et que des jeunes se partagent leurs cours sur Facebook depuis des années, glisse Marnix Broer. La France est un marché prometteur, on mise beaucoup dessus. »